Kapran est ma meilleure amie. C’est une tortue charbonnière, une des espèces les plus importantes de tortues terrestres. Son nom, Kapran, signifie tout simplement « tortue » en kayapo, la langue parlée par un groupe d’Indiens qui vit au cœur de la forêt amazonienne.
Son habitat
Avant qu’elle ne m’accompagne dans mes voyages, Kapran habitait au Brésil, dans la forêt d’Amazonie. Sa famille est éparpillée dans la partie nord-est et centrale de l’Amérique du Sud (en Guyane française, en Colombie, au Venezuela, au Brésil, en Argentine et en Bolivie). Il semblerait que des membres de son espèce vivent aussi dans de nombreuses îles des Antilles et des Caraïbes.
Ses particularités
Kapran est vraiment très belle. Sa peau noire lui vaut son nom de tortue « charbonnière ». Des écailles rouges brillent comme des braises sur sa tête et sur ses pattes. Sa carapace allongée et lisse est également noire et ornée d’aréoles jaune orangé.
Son alimentation
Kapran est omnivore, c’est-à-dire qu’elle mange aussi bien des fruits, des légumes que des protéines animales qui peuvent être des limaces, des escargots ou des souriceaux.
Ses activités
Kapran est vive et active, particulièrement en début et fin de journée. De plus, elle est une bonne nageuse. Je me souviens d’ailleurs de nos baignades joyeuses dans le fleuve Amazone.
Kapran se déplace à longues enjambées, les pattes haut levées. Par conséquent, elle peut marcher assez vite et traverser facilement les zones boueuses.
Lors de chaleurs intenses, elle s’enfouit sous la végétation. Une pluie fine et tiède stimule son appétit et son activité.
La vulnérabilité des tortues charbonnières
Malgré leur grand nombre, les tortues charbonnières sont vulnérables. La destruction de leur habitat par la déforestation est la plus grande menace qui pèse sur elles. En effet, l’extension de l’agriculture et la construction de routes détruisent la forêt privant les tortues de leur lieu de vie. Par ailleurs, les incendies de forêt, de plus en plus nombreux, déciment des familles entières. Enfin, elles sont capturées pour leur chair qui est mangée par les humains. Pour toutes ces raisons, nous devons les protéger.
Ma prochaine aventure avec ma compagne de route
Nos valises sont prêtes. Nous partons en Afrique avec le Pr Denis Ramseyer. Nous sommes attendus par Gazourou, un petit garçon du peuple kouya, en Côte d’Ivoire. Il habite, comme Oket, dans un village près de la forêt.
Je vous donne rendez-vous très bientôt.
La première tortue
Un mythe kayapo sur l’origine des tortues recueilli par le Dr Gustaaf Verswijver
Un couple était parti à la recherche de fruits du palmier. Le corps de la femme était décoré du « motif de la tortue », mais la peinture portait un autre nom, car il n’y avait pas encore de tortue. Ils trouvèrent des fruits de palmiers mûrs et le mari grimpa dans l’arbre pour les cueillir. L’épouse attendait en bas, avec les armes, lorsqu’un autre homme apparut et voulut la séduire. Elle refusa sa cour. L’homme, qui était un chaman, la transforma alors en tortue. Quand l’époux redescendit de l’arbre, il ne trouva que ses armes et l’étrange animal. Il pensa que sa compagne était déjà retournée au village et emmena la tortue. Les villageois accueillirent le nouvel animal comme une grande nouveauté, et firent remarquer à l’homme qu’il était étrange que le motif peint sur le dos de la tortue fût le même que celui ornant le corps de son épouse. Personne ne savait où elle était allée. L’homme attacha la tortue à un pieu dans la hutte ; la bête s’agitait en permanence. Le mari ne se rendait pas compte que sa femme étirait ses bras et ses jambes dans l’espoir de retrouver sa forme humaine. Ses efforts furent vains. Alors, elle essaya d’appeler son mari. Elle dit : « Ba, ba, ba » (« moi, moi, moi » en langue kayapo), mais il ne réagit toujours pas. Cependant, lorsqu’elle se mit à chanter, l’homme reconnut les chansons et réalisa finalement qu’il s’agissait de son épouse. Un chaman du village lui rendit sa condition humaine mais, dans leur coquille, les tortues gardent des vestiges de leur origine humaine.